Cession-Acquisition d’entreprise : jamais sans mon « mémorandum » !

Fusion acquisition d'entreprise

Rédigé à l’initiative du cédant, le mémorandum dresse un portrait exhaustif de l’entreprise en vente, forces et faiblesses comprises. Trop souvent, il se limite à une fiche synthétique assortie d’un commentaire laconique. Comment l’écrire ? Qu’en attendre ? Le point avec Ronan Mevel, Directeur des études et des services M&A, Exægis.

À quel moment le mémorandum intervient-il dans le processus de cession  d’entreprise ?
Ronan Mevel 
: Il va de pair avec l’offre de reprise. C’est la première présentation concrète à laquelle va être confronté l’acquéreur potentiel. En dix minutes, le mémorandum doit lui permettre de cerner les principales caractéristiques de l’entreprise. Mais il se doit également d’être explicite. Sa lecture complète fournira toutes les données nécessaires à l’analyse de l’offre, sans masquer les difficultés, afin de permettre au repreneur de juger de la pertinence de son profil et de ses moyens. C’est un document d’autant plus délicat à rédiger qu’il servira de base au business plan du repreneur, voire au dossier bancaire qu’il devra présenter par la suite.

Qui est censé le rédiger  ?
C’est le conseil du cédant qui me semble le plus compétent pour procéder au recueil d’informations, à l’analyse des données et à la rédaction du dossier. Il sait que dresser un portrait idyllique ou incomplet de l’entreprise serait contre-productif, générant des démarches inutiles et des pertes de temps pour l’ensemble des interlocuteurs : cédant, repreneur, conseils. Toute la difficulté du mémorandum consiste à faire preuve de transparence sans trahir la confidentialité de certaines données. Grâce à sa connaissance approfondie de l’entreprise, le consultant expérimenté saura établir la liste précise des informations qu’il convient de communiquer, de filtrer ou même d’adapter en fonction du profil du destinataire. Il faut savoir que même si le dossier est anonyme, ce qui est souvent préférable d’un point de vue technique, un lecteur averti n’aura en général pas trop de mal à retrouver l’identité de l’entreprise concernée.

À quelles conditions le repreneur potentiel peut-il y avoir accès ?
Le mémorandum ne lui sera remis qu’en échange d’un engagement de confidentialité. Mais avant toute chose, il doit avoir confirmé son intérêt de principe pour la société après une première approche succincte.

Quelle doit être la taille d’un mémorandum ? Que doit-il contenir ?
Selon le rédacteur, mais aussi selon le budget et le temps alloués par le cédant, le dossier sera plus ou moins détaillé. L’erreur serait de se limiter à une fiche de présentation succincte et à des phrases creuses sans volonté d’analyse, assorties de photocopies de bilans. Un mémorandum incomplet est toujours mauvais signe : il trahit une méconnaissance de l’entreprise ou la faible motivation du cédant. Pour être exhaustif, le dossier doit lister et résumer l’ensemble des fonctions et composantes de l’entreprise : historique, organisation commerciale et technique, répartition des activités (produits, clients, zones, etc.), positionnement, atouts et risques concurrentiels, moyens techniques et de production, aspects juridiques et sociaux, évolution de la structure financière (bilans) et de la rentabilité (comptes de résultats) sur au moins cinq ans. Sur ce dernier point, il est important de compléter les données avec des commentaires et des informations permettant d’interpréter les tableaux et les éventuels retraitements proposés.

Où faut-il s’arrêter ?
Sous prétexte qu’il doit être explicite, le dossier ne doit pas se transformer en « data room ». Il ne peut pas contenir les informations détaillées ou très confidentielles nécessaires à la prise de décision finale du repreneur, ni remplacer l’approche « de visu » indispensable à sa motivation. Mais il peut proposer des axes de réflexion qui faciliteront les phases ultérieures de négociation, par exemple des améliorations potentielles de la gestion ou du positionnement de l’entreprise. Il est rare que le mémorandum comprenne une évaluation de l’entreprise. Généralement, cet élément n’intervient pas avant l’engagement ultérieur des négociations afin de coller au plus près de la réalité de l’entreprise et de son actualité.

Comment présenter ce dossier ?
L’évolution récente des techniques multimédia et Internet ont fortement modifié le contenu, la gestion et la diffusion des dossiers de présentation. Aujourd’hui, on y retrouve fréquemment des données numériques qui facilitent la compréhension des informations : photos, vidéos, documentations… C’est un vrai plus pour le repreneur. Cela lui donne la possibilité de travailler quasiment en temps réel avec ses interlocuteurs, grâce à des données et des simulations prévisionnelles qui peuvent être intégrées aux dossiers numérisés pour la préparation du business plan, par exemple.

Rédiger un mémorandum représente donc un travail conséquent ?
Oui, mais le gain de temps qu’il représente ensuite pour toutes les parties justifie largement cet investissement de départ. C’est un outil concis, explicite, complet et analytique qui permet d’avoir une vision juste de la situation, d’éviter toute interprétation erronée, de poursuivre les négociations à bon escient, et même de poser les bases du futur business plan du repreneur. Paradoxalement, la tentation peut être grande pour un acquéreur en recherche active de perdre du temps et de l’énergie à consulter un nombre important de dossiers, dont beaucoup seront inadéquats. Un mémorandum constitue un réel gain de temps, à condition que le repreneur soit capable d’effectuer un tri préliminaire des opportunités sur des critères précis : localisation, activité, finançabilité…