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Digitalisation des processus documentaires et métiers : un écosystème en mutation

L’œil de l'expert !

La digitalisation des processus s’articule autour de briques technologiques telles que la numérisation, la capture de données, la gestion de contenus, l’automatisation, la confiance numérique, la génération de documents, et la diffusion des documents. Ces fonctionnalités, plus ou moins récentes, sont complémentaires et souvent intégrées les unes aux autres.

Le marché français de la digitalisation des processus est porté par les besoins accrus d’efficacité, de sécurité et d’intégration de technologies avancées. Les évolutions réglementaires (réforme française sur la facture électronique, règlement européen eIDAS V2, etc.), agissent à la fois comme contrainte, imposant de nouvelles normes, et comme facilitateur, ouvrant des opportunités, et jouent également un rôle moteur, structurant et dynamisant ce marché. En 2024, le secteur a été marqué par des mouvements de fusions, acquisitions et levées de fonds qui témoignent d’un écosystème en transformation.

Les acteurs de la confiance numérique dynamisent le marché

Les solutions de confiance numérique reposent sur les grands principes de confidentialité, d’intégrité et de traçabilité des documents et de leurs processus associés. Ce segment d’offre comprend les solutions de signature électronique et de cachet électronique, d’archivage électronique à valeur probatoire, de gestion de l’identité, de traçabilité / gestion de la preuve (horodatage), d’authentification de document et de détection d’erreurs ou de fraude.

Les acteurs de la signature électronique ont été particulièrement actifs sur le marché français entre 2018 et 2023 en termes de levées de fonds et de fusions-acquisitions. Parmi les opérations réalisées en 2024, deux sont notoires :

  • Signaturit Group, acteur européen de la transaction, a finalisé en mai 2024 l’acquisition de Vialink, regtech française et ex filiale du groupe BPCE, éditeur SaaS et tiers de confiance européen de parcours de l’entrée en relation et de signature électronique. Signaturit avait déjà acquis Universign et Ivnosys en 2021.

  • En septembre 2024, Bpifrance, via son fonds Digital Venture, est entré au capital de Yousign pour développer une plateforme souveraine européenne de signature électronique.


Après cette vague de concentration dans la signature électronique, la tendance se porte de plus en plus sur l’identité numérique, la vérification d’identité et la gestion de la fraude documentaire et identitaire. La société Vialink, par exemple, a déjà adopté un tel positionnement à travers une offre incluant la vérification d'identité et le KYC (Know Your customer). Les opérations les plus notables sur ce segment en 2024 sont les suivantes :
  • Luminess, ESN spécialisée dans le traitement des documents et l'externalisation des processus métiers, est entré au capital du fournisseur d’identité numérique A3BC (Anything Anytime, Anywhere Biometric Connections). En intégrant un Digital Identity Wallet déjà en production dans ses offres, Luminess renforce sa position et anticipe le développement de nouveaux usages portés par le règlement eIDAS V2, entré en vigueur en mai dernier.

  • Onfido, expert dans le domaine de l'IA appliquée à l'identité numérique, a été acquis par Entrust, acteur spécialisé dans la certification et la vérification d'identité dans le cadre de paiements.

  • IN Groupe a conclu un accord pour l’acquisition d’Idemia Smart Identity (ISI), l’une des trois divisions du groupe Idemia, afin de consolider sa position sur les marchés de l’identité physique et numérique à l’échelle mondiale.

  • Finovox, entreprise française spécialisée dans la détection de faux documents, a levé 4 millions d’euros pour accélérer son expansion en France et en Europe. La startup avait déjà réuni 2,7 millions d’euros lors de deux levées de fonds en 2021 et 2022.


Le dynamisme autour de l’identité numérique s’explique par un contexte où la fraude est en constante évolution, facilitée par de nouvelles méthodes et technologies. L'identité numérique joue un rôle essentiel dans les transactions électroniques et l'accès aux services dans de nombreux secteurs comme la banque et le crédit à la consommation, l’assurance, le leasing, l’immobilier, l’intérim, les services publics en ligne ou l’enseignement. 55% des entreprises et des administrations envisagent ainsi d’investir d’ici 2026 dans des solutions de vérification d’identité ou de gestion du processus KYC (Know Your Customer). L’arrivée de l’identité numérique européenne constituera, en outre, un accélérateur de l’entrée en relation à distance pour les entreprises avec leurs clients.

Renforcement de l’IA, facture électronique et concentration des ESN

L’intégration de l’IA révolutionne progressivement la gestion documentaire en favorisant l’automatisation, la reconnaissance avancée des contenus et l’analyse prédictive. Plusieurs acteurs de ce marché en France ont levé des fonds ou procédé à des acquisitions en 2024 pour renforcer leur capacité à intégrer ces technologies :
  • DocuWare a acquis la start-up franco-allemande Natif.ai pour développer son expertise IA au sein de son offre GED/ECM.

  • NeoLedge a levé 4 millions d’euros pour accélérer sa croissance et enrichir son offre, notamment le développement de nouvelles fonctionnalités basées sur des modèles d’IA propriétaires et souverains.


En parallèle, les opérations se poursuivent dans l’écosystème de la facture électronique (e-invoicing, procure-to-pay, etc.), alors que les échéances de la réglementation approchent :

  • Docoon, éditeur de solutions de digitalisation et de dématérialisation et conseillé par Exaegis, a renforcé son positionnement sur la facture électronique en acquérant Neovacom, spécialiste de l’automatisation des processus administratifs et financiers des professionnels de l’immobilier.

  • Le fonds Bridgepoint a racheté l’éditeur lyonnais Esker, près de 200 m€ de CA en 2024, expert de l’automatisation des processus administratifs et financiers (procure-to-pay, order-to-cash), pour un montant de 1,6 Md€.


Enfin, chez les sociétés de services, un mouvement de concentration est en cours :

  • L’intégrateur AmeXio, spécialisé dans le CXM (Customer Experience Management) et la GED/ECM a acquis Atol CD, ESN spécialisée dans le développement d'applications métiers web et mobiles open source. AmeXio avait déjà pris une participation minoritaire dans Atol CD en 2021 et acquis son homologue Acolad Digital en 2023.

  • Yneia (ex-Document store) a acquis Déessi, expert en services informatiques et en infogérance pour les PME.

  • Aerow, ESN spécialisée en GED/ECM, a acquis Adikts, un cabinet de conseil positionné dans le Cloud public, le DevOps et la cybersécurité.

  • Coexya (ex-Sword), qui dispose d’expertises en GED/ECM, archivage et signature électronique, a rejoint le groupe Talan, une ESN généraliste en forte croissance externe. 




Aurélie Leleu
Senior Research Analyst,
chez Exaegis Markess