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Comment le développement du Cloud transforme le paysage des M&A ?

L’œil de l'expert !


Deloitte vient d’annoncer l’acquisition de Neoxia (une ESN spécialisée dans l’accompagnement à la migration et à la gestion des environnements Cloud, 250 personnes et près de 20m€ de CA) et souhaite devenir un leader de la transformation digitale. Auparavant, SII rachetait Metanext, Constellation reprenait Easyteam puis Hisi, Adista (Inherent) mettait la main sur le tourangeau Cyres, Cyllene partait sur un deuxième LBO avec Amundi PEF, Claranet reprenait Pictime, Celeste rachetait Oceanet. Accenture de son côté avait repris Linkbynet et Gekko. En sous-jacent, l’opérateur de datacenters Data4 change d’actionnaire pour Brookfield Infrastructure sur une valorisation record de 3.5mds€.

Ces opérations ont un objectif commun, se (re)déployer sur les services Cloud pour accompagner l’élan de la transformation digitale des entreprises et ensuite gérer ces environnements « cloudifiés ». Cet élan est engagé depuis plus de 5 ans déjà, mais il structure désormais le marché et devient la norme. En 2023, les entreprises, comme les organisations publiques, accélèrent toutes leur marche vers le Cloud et les fournisseurs de services se positionnent pour accompagner durablement cette transformation.

 

Des facteurs d’adoption du Cloud plus marquants

Malgré les incertitudes et les menaces de ralentissement économique, les dépenses en solutions et services de cloud public devraient de nouveau croître à un rythme global de 20% en 2023. En effet, les prévisions d’une inflation durable comme l’instabilité politique sont des moteurs pour le développement de ces modèles opérationnels. Caractérisées par leur agilité et leur élasticité, les solutions cloud apportent les fondements nécessaires pour naviguer en période instable. Au-delà, elles offrent des gisements d’innovation pour pouvoir gagner de nouveaux marchés et elles permettent de mieux sécuriser les environnements IT. Les entreprises ne pourront pas toutes reporter la hausse des prix sur leurs tarifs, elles devront améliorer leur productivité. Pour cela, le cloud est un levier.

Tous les segments du cloud public devraient poursuivre leur fort développement pour transformer plus encore le paysage du marché des logiciels et services numériques. Mais ce sont les solutions de cloud d’infrastructures et systèmes (IaaS) qui tireront de nouveau la croissance (+26% attendu en 2023, soit 475m€ de nouveau business en France pour le Cloud d’infrastructures !). Les nouvelles infrastructures digitales poursuivront leur fort développement dans les entreprises, comme elles devraient désormais se propager largement dans les organisations publiques.

Ce mouvement d’adoption des infrastructures digitales est pérenne et il est très peu probable que des organisations qui auraient fait le chemin vers ces environnements reviennent en arrière, sauf à y être aller sans bases solides. En revanche, le sujet de la maîtrise des coûts deviendra un point clé en 2023. L’inflation va impacter les prix unitaires des services cloud (+10 à +30% sur l’année) quand les entreprises pourraient avoir à réaliser des économies sur fond de restrictions budgétaires. Un effet ciseaux où les fournisseurs de services cloud devront démontrer l’efficience de leurs solutions !

Au-delà de ces solutions de cloud public, les services autour du cloud vont également montrer une belle santé en 2023. Les prestations de conseil, d’accompagnement, les services liés à la sécurité ou la gestion des multiples environnements cloud ainsi que le cloud privé génèreront un marché de 9,4 milliards d’euros (+10% vs 2022) pour porter l’ensemble du secteur du cloud à 21 milliards d’euros sur l’année 2023 (+15%). Le cloud public et le cloud hybride resteront en 2023 les modèles privilégiés par les entreprises et les services connexes vont continuer de s’étoffer.

Pour les décideurs, la dimension sécurité sera un élément majeur de prise de décision et lorsqu’il faudra retenir un prestataire de services pour l’accompagnement et la gestion du cloud. Les dirigeants retiendront les fournisseurs possédant les compétences en cybersécurité.

Enfin, la sphère publique va s’ouvrir plus largement au cloud, poussée par la doctrine « cloud au centre » et les directives facilitant ce type de dépenses. Mais les craintes vis-à-vis d’acteurs américains dominants freineront toujours son essor.

 

L’essor de la transformation digitale des organisations avec le Cloud au centre

Après des phases de migration Cloud rapides, façon « lift and shift », où des applications ont été migrées en l’état dans le cloud, avec pour seul changement les infrastructures sous-jacentes, la transformation digitale implique désormais de repenser l’organisation pour tirer pleinement bénéfice du Cloud.

Il s’agit d’adopter une culture ‘Cloud centric’. Dans cette transformation plaçant le Cloud au centre, les entreprises et organisations publiques doivent instaurer des groupes de travail hétérogènes comprenant aussi bien les sponsors de la DG, les métiers, la finance, les responsables applicatifs, la production, la sécurité, etc. L’objectif de cette organisation est d’établir un programme de transformation le plus large possible, en prenant en compte l’ensemble des aspects organisationnels (techniques, métiers, financiers, règlementaires et sécurité).

Au-delà de la démarche ‘Cloud centric’ de l’organisation entière, les DSI doivent adopter une approche ‘app centric’. Les équipes IT doivent apporter de la valeur aux métiers et pouvoir dialoguer de manière compréhensible avec ces métiers, c’est-à-dire sur les sujets d’innovation, de time-to-market, de conformité, etc, autant d’enjeux portés directement par les applications et non pas par les infrastructures systèmes. Ce sont les applications elles-mêmes qui sont différenciantes et porteuses d’innovation et de compétitivité. Les infrastructures et systèmes sont le socle de ces applications et sont à leur service. En outre, les Cloud publics offrent tellement de solutions techniques que les équipes IT sont rarement freinés par le manque de ressources ou de services disponibles.

Dans cette approche ‘Cloud centric’, la transformation digitale va nécessiter d’instaurer des mesures de sécurité nouvelles, que ce soit pour la protection contre les menaces, la gestion des sauvegardes, la gestion des patchs. La sécurité doit devenir by design et doit être intégrée dans les cycles de développement. C’est aussi une refonte du pilotage et de la gouvernance (supervision, FinOps, GreenOps, groupes d’utilisateurs internes et externes, etc) et surtout une centralisation de la gestion des infrastructures. La gestion va être centralisée sur des solutions industrialisées pour à la fois standardiser et automatiser les opérations. Ces solutions doivent être agnostiques pour pouvoir proposer des services similaires indépendamment des environnements d’exécution comme des zones d’accueil des applicatifs. Ainsi, la gestion sera simplifiée, mieux gouvernée et prête pour les développements futurs. Les dernières analyses de Markess montrent que les solutions open source sont aujourd’hui les plus à même de répondre à ces enjeux (ex: Terraform pour l’automatisation des infrastructures / infrastructure as code, Prometheus pour le monitoring, Keycloak pour la gestion des accès et identités et de très nombreuses autres solutions ouvertes, fiables et suivies par les communautés).

Enfin, la transformation digitale et l’approche ‘Cloud centric’ demande d’être en permanence dans l’évolution et la prospective, de favoriser des cycles d’innovation continue pour utiliser le cloud comme un moteur de développement des entreprises. La formation continue des équipes IT, voire métier, (notamment pour suivre les évolutions quasi quotidiennes des hyperscalers) devient indispensable.

 

Des écarts de valorisations des fournisseurs qui augmentent

Dans ce paysage qui se transforme, la primauté va désormais vers les fournisseurs de services ou opérateurs Cloud ayant réellement investi les nouvelles infrastructures digitales et capables de suivre leurs clients sur ces tendances de fond. Les hébergeurs ‘traditionnels’ sont à la peine pour trouver des investisseurs et repreneurs (sur des valorisations de 2022) quand les sociétés de services qui ont investi dans la sécurité, un outillage permettant d’automatiser la gestion des différents environnements Cloud et des prestations d’accompagnement structurées, sont eux très convoités. De fait, les valorisations entre ces typologies d’acteurs s’écartent durablement et les investisseurs doivent analyser en détail les activités de leurs cibles.

 

Ronan Mevel
Partner